top of page

La fosse

 

Nous naissons, joyeux inconscients,
Sur un navire en croisière
Tentant de joindre éternellement
Deux gigantesques lopins de terre.

Alors qu’il s’éloigne du premier,
Les oiseaux chantent, les poissons
Dansent, les vagues douces d’été
Laissent bercer les artimons.

Souriant, toujours, les enfants
Jouent, se trémoussent et se réjouissent
Avant d’aborder brusquement
Le pot au noir où ils grandissent.

C’est alors que fermement
Une carcasse abominable
Agrippe le mollet branlant
De ces allègres incapables.

Happés par les vents des marées,
Blessés par les vagues d’écume,
Ces perpétuels insurgés
Fuient le temps qui les consume.

Tandis que certains se redressent
Aptes à affronter vaillamment
Le souffle qui les renverse,
D’autres ferment les yeux craintivement

Appréhendant le raz de marée
Ou le corsaire au revolver
Qui vient déjà les emporter
Pour les mener à la chimère.

Ceux qui boitent sur le plancher
Soutiennent irrémédiablement
Leur crâne terrible et endiablé
Parcourant le pont purulent.

Les suicidés, noble parfum,
Sont emportés au fond des flots,
Atrophiés par les sièges marins
Et les crissements de l’ancre
Contre leurs reins

bottom of page